Chapitre 1 – L'enfance synonyme d'innocence. Je suis née un certain 21 mai. Comment je le sais ? Sûrement parce que mes parents me disaient une fois par an, le même mois et le même jour « Joyeux anniversaire. ». D'après ce qu'on m'a dit, le jour de ma naissance fut le plus beau jour de la vie de mes parents. Eux qui avaient du mal à avoir un bébé, enfin, ils en avaient un. Mais ce n'est pas tout ce qu'on m'a raconté. On m'a aussi dit que je suis née un soir de pleine lune et, alors que l'orage se faisait entendre, ma famille fêtait mon arrivée tant attendue. Ce même soir, il leur a aussi semblé entendre un loup hurler, seulement, en pleine ville, cela est impossible. Aujourd'hui, mes parents prennent ça comme une alerte qu'ils auraient dû entendre. Une alerte qu'ils n'ont absolument pas comprise. S'ils avaient imaginé un seul instant ce qui allait se passer dans leur petite vie tranquille, mon père, alors qu'il nous ramenait de la maternité, ma mère et moi, m'aurait sûrement abandonné sur le côté de la route. J'aurais été livrée à moi-même, ou alors, le loup m'aurait recueilli. Il m'arrive de penser que ce n'aurait pas été si mal. Au moins, je n'aurais pas eu le supplice d'entendre mon père se plaindre et dire qu'ils n'auraient jamais dû avoir le monstre que je suis. Mais ça, c'est une autre histoire.
J'étais une enfant aimée de ses parents. J'étais celle qui leur donnait le sourire tous les matins quand ils se penchaient au-dessus de mon berceau pour me dire bonjour. J'étais celle qui retenait toute leur attention, pour qui ils rigolaient chaque jour devant les bêtises de la gamine que j'étais. J'étais la petite fille qui ne manquait de rien, même dans les périodes difficiles. Mes parents ont toujours tout fait pour me faire plaisir, même quand on n'avait pas assez de revenus. Ils essayaient toujours de faire au mieux pour leur petit trésor, comme ils le disaient si bien. J'étais aussi l'enfant qui faisait leur fierté. Ramenant toujours de bonnes notes. C'étaient, même, les meilleures de la classe. J'étais la petite fille entourée d'amis, qui ne manquait pas de faire les quatre cent coups avec eux.
Parfois, je regrette cette partie de mon enfance. Celle où tout allait bien. Cette partie de l'enfance qui est synonyme d'innocence.
Chapitre 2 – Ne rien dire. Jusque-là, ma vie était calme et tranquille. Je n'avais pas encore de problème. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mes parents m'aimaient et j'avais des amis. Je pouvais sortir l'après-midi jusqu'à dix-neuf heures le soir. Je profitais de ma vie comme tous les adolescents de mon âge. Je sortais au cinéma, parlais de garçons avec les filles, jouais à la guerre avec certain d'entre eux, et on s'inventait une vie où l'on s'échappait de la maison de nos parents. C'était notre passe-temps, c'était quelque chose qui nous appartenait. C'était tout simplement notre définition de vivre.
Seulement, il fallait bien que tout cela s'arrête. Ma vie bascula le jour de mes quatorze ans. Je me souviens encore du réveil de ma mère. Mon gâteau d'anniversaire était prêt, en bas, dans la cuisine. Mon père m'attendait avec un petit paquet cadeau. Mais je ne savais pas encore tout ça. Quand j'ai ouvert mes yeux, j'ai vu le regard effrayé de ma mère. Elle reculait comme si elle cherchait à s'éloigner de moi. Puis, elle a hurlé, m'a demandé de ne pas l'approcher. Je ne comprenais pas pourquoi elle me rejetait, moi, sa fille qu'elle avait tellement attendue, celle à qui elle a donné la vie, celle pour qui elle a tout donné pendant quatorze ans. Je ne comprenais plus ce qu'il se passait. Mon père est arrivé, et dès qu'il a posé les yeux sur moi, j'ai vu le même regard que celui de ma mère. Mes parents étaient en train de me rejeter et je n'en connaissais pas la cause.
Perturbée, prise d'une énorme panique, j'ai couru jusqu'à la salle de bains. Je compris ce qui les avait effrayés lorsque je me regardais dans le miroir. Mes yeux. Ils avaient changé de couleur. Habituellement de couleurs noisettes, ils étaient devenus blancs, légèrement argentés et commençaient à virer au bleu clair. Mais ce n'était pas seulement les yeux, mes dents étaient devenues pointues. On aurait dit que je me transformais en vampire. Mon propre reflet m'effrayait. Et je me souviens être sortie de la salle de bains en demandant des comptes. En hurlant qu'on me donne des explications. Pourquoi ne pouvais-je pas être comme les autres ? Qu'est-ce qui m'arrivait ? J'étais désespérée.
À partir de ce jour-là, ma relation avec mes parents s'est dégradée. J'ai arrêté d'aller à l'école, prenant des cours par domicile. On faisait attention à ce que je ne sorte jamais. Je ne voyais plus mes amis. Ils s'étaient évaporés comme mon ancienne vie. Je n'avais plus rien. Ce que j'étais m'avait détruit, m'avait pourri. C'est à partir du moment où j'ai réalisé que j'avais tout perdu que je me suis créée une carapace. Je disais alors adieu à tous ces jours passés avec mes amis, à nous inventer des vies. La réalité me rattrapait. Et je ne pouvais rien montrer, mais surtout, je ne pouvais rien dire.
Chapitre 3 – Solitude. Je n'étais plus vraiment moi-même. S'en était finit de la petite fille qui passait son temps à rire et à respirer la joie de vivre. S'en était finit de cette belle époque. Je m'étais créée une carapace et je rejetais tout le monde. Du moins, c'était plutôt le monde qui me rejetait. Je me sentais définitivement seule, perdue. Et je ne savais pas ce que j'allais devenir. J'avais peur. Peur que l'on découvre le monstre que j'étais. C'est mon père qui me traitait de monstre. J'étais fatiguée, épuisée. Je n'avais plus de vie sociale. Même si ma mère essayait de faire comme si de rien était, je voyais très bien qu'elle était mal à l'aise. C'est comme si toute ma vie c'était résumée à un château de cartes, et il n'a fallu qu'une erreur ou un coup de vent pour tout faire tomber. J'étais brisée et il fallait que je me sorte de là.
Je n'ai pas attendu toute ma vie. J'en avais assez d'être l'animal en cage. Celle qu'on enfermait pendant qu'on partait travailler. Celle qui devait attendre sagement le retour de ses parents pour avoir sa petite promenade quotidienne et aller prendre ses cours particuliers pour éviter les questions. Il fallait fuir cette vie, ou du moins, la vie parfaite que mes parents essayaient de faire croire aux voisins. Je ne voulais plus être cet animal. Je ne voulais plus rien de tout ça. Alors une nuit, j'ai sauté de ma fenêtre et je suis partie. Je ne savais pas où aller ni ce que j'allais devenir. Mais cette nuit là, j'ai quitté une bonne fois pour toute le Tennessee, me plongeant alors dans une énorme solitude. Une vie où il n'y aurait que moi et mon instinct de survie dans ce monde.
Chapitre 4 – Libérée. J'avais dix-neuf ans quand je suis partie. Après avoir marché plusieurs jours, je me suis réfugiée dans la forêt la plus proche. Je voulais savoir, je voulais comprendre ce qui m'arrivait. Pourquoi ne pouvais-je pas rester cette petite fille ? Pourquoi ne suis-je pas comme tout le monde ? J'essayais de retenir ce que j'étais depuis mes quatorze ans, et à ce moment-là, j'étais prête, prête à lâcher le monstre que j'étais. Ça me paraissait impossible, je ne savais pas comment m'y prendre. Il a juste fallu que je me détende, que je laisse ce que je voulais cacher prendre le dessus.
La transformation fut longue et douloureuse la première fois. Je hurlais à la mort en croyant que chaque partie de mon être se déchirait en morceaux. Je ne comprenais plus ce qui m'arrivait. Pourtant, je me sentais bien, je me sentais libre, je me sentais moi, tout simplement. Je découvrais pour la première fois mon apparence de loup. Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi. J'avais l'impression de rattraper les cinq ans de ma vie à cacher ce que j'étais, qui j'étais. Je ne pouvais pas m'arrêter de courir, hurlant à l'appel de la liberté. Je ne voulais plus quitter cette apparence. Je n'étais pas prête à retrouver mon vrai corps. Je m'en sentais incapable. Ce serait comme jeté la louve que j'étais en prison. Non, je ne pouvais pas me résoudre à cette époque de quitter cette liberté dont j'avais tellement rêvé.
Je m'abandonnais à mon instinct de loup. Je le laissais me guider. Je le laissais m'emmener vers la liberté.
Chapitre 5 – Reprise en main. J'avais tellement lutté pour ma liberté, je l'avais tellement rêvé. Pourtant, je savais que ce n'était pas raisonnable. Je ne pouvais pas rester ainsi indéfiniment. Non pas que la vie de loup ne me plaisait pas, loin de là. Mais la raison reprenait sur la liberté. Je ne pouvais pas fuir ce que j'étais, ni continuer de me cacher comme je le faisais. Il fallait que j'arrête le rêve pour vivre ma vie. Il le fallait, je n'avais pas le choix. Je n'avais plus le choix. Je ne pouvais pas continuer de vivre comme une gamine. Cachée et fuyant ses responsabilités. C'est en pensant ainsi que j'ai quitté la forêt ainsi que mon apparence de loup.
Trouvant de quoi m'habiller, je suis partie pour la ville. New York City, je ne sais pas pourquoi, m'avais toujours attirée. Je ne pouvais pas rester ainsi indéfiniment. En guise de logement, un appartement délabré qui me changeait bien de mon enfance qui avait été si aisée. Mon salaire ne me permettait pas de me payer le luxe, mais au moins le strict minimum. Aujourd'hui, je travaille toujours dans le même restaurant et je vis toujours de la même manière. C'est loin de me déranger d'ailleurs.
Mais ce n'est pas la seule chose qui a changé. Je n'ai pas envie que d'autres, comme moi, soit enfermé et ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. Ça me tue de savoir que d'autre ne peuvent pas vivre, car ça gêne certaines personnes. Je me suis alors mise dans la tête de les retrouver ses prisonniers et leur donner cette liberté qu'ils méritent. Pour cela, je suis prête à tuer. D'ailleurs, j'ai déjà tué, et je suis prête à recommencer.
La vie continue. Le jeu continu. Let's Play !